La galerie Da-End, pour la troisième édition de son Cabinet de Curiosités contemporain, invite plus de quarante artistes, jeunes ou internationalement reconnus, à élaborer le "Cabinet Da-End 03" sur le thème des fleurs. Ce sujet classique, prédéterminé par l'espace et la ligne éditoriale de la galerie, semble sonder notre faculté à repenser l'Homme et surtout à explorer ses zones d'ombre. De toute évidence nous ne pouvions qu'insuffler à travers cet être végétal certains de nos sujets de prédilection, proches de l'appréhension baudelairienne du monde. Il s'agit ici précisément "d'extraire la beauté du Mal". Des fleurs par milliers donc, mais celles-ci nʼappellent pas le printemps.

L'homme, en chaque chose, se projette et la fleur devient un moyen d'exprimer ses troubles. Sur les murs de cette galerie-demeure, accrochés en nuage, des dessins, des toiles, mais aussi des collages, des boîtes entomologiques, et autant d'incarnations végétales que d'histoires. Une vanité animée montre un bouquet de campanules qui dépérit et se régénère dans un mouvement infini.

Ailleurs, une myriade de fleurs colorées couvre le corps décharné dʼun être aux yeux exorbités, tandis qu'un crâne paré d'un vert feuillage nous rappelle la destinée qui incombe au vivant. Ce sont eux les memento mori contemporains.

Il y a aussi les portraits de fleurs, par des photographes japonais, célèbres et moins connus pour cet exercice de la nature morte. Il y a la photo d'une rose parvenue au temps éphémère de sa beauté parfaite ou la photo trouble d'une anémone mystérieusement mise en lumière. Ou encore, celle d'une fleur faite dʼossements qui sitôt réalisée et gardée en mémoire retourne à la terre. Cette dernière, oeuvre complexe, ne fait pas seulement allusion à la fleur mais aborde la question universelle de la fragilité du vivant dans son ensemble comme le font dʼautres oeuvres disséminées, que l'on découvre comme des trésors.

Ici, un arbre de verre et ses bourgeons de foetus scintillent à la lumière du soleil printanier. Plus loin une sculpture de cire se fait plus vivante que le vivant. Là, des sculptures en porcelaine ou en terre cuite qui, comme pour mieux préserver leur fragilité et leur beauté, se lovent dans les étagères du cabinet. Et au fond de ce jardin ténébreux, une serre chaude et lumineuse, comme suspendue dans les airs, regorge de fleurs en peau tannée démultipliées à l'infini. Nous sommes happés par l'étrangeté.

Cette exposition qui nous fait voyager dans les méandres de lʼesprit humain, nous emmène aussi dans une traversée végétale au coeur de pays lointains. D'abord, surtout, au pays du soleil levant, où l'art de l'arrangement floral, l'ikebana, symbolise l'accord linéaire entre le ciel, la terre et les hommes.

Et puis aussi ailleurs, en des temps plus anciens, vers ces contrées où des coiffes aux fleurs d'or appellent à l'amour tandis que des armes assassines parées de mille pétales appellent à la guerre.

Aujourd'hui, dans cette galerie aux allures de maison abandonnée au temps, il s'agit de recréer un monde auquel Da-End clame son appartenance. Ou plutôt un entre-deux, où se croisent les hommes et les connaissances, où l'art se mêle aux techniques les plus artisanales (ou est-ce l'inverse ?). Et que dire des technologies, de cette sculpture digitale en stéréolithographie, sinon qu'elles participent dans cet interspace, à l'introduction d'une nouvelle esthétique de la fleur, offrant un futur à sa représentation. Tandis que la projection-sculpture d'un pissenlit atomique nous rappelle à notre système en constante mutation.

Galerie Da‐End
17 rue Guénégaud
Paris 75006 France
Ph. +33 (0)143 294864

Heures d'ouverture
Mardi - Samedi 14h - 19h
Et sur rendez-vous