Depuis plusieurs années, l’Intelligence artificielle a fait son entrée dans le monde de l’art. Elle est même accusée d’être en situation de remplacer les artistes. En effet, des systèmes sont aujourd’hui capables de générer des œuvres en très peu de temps, pour peu qu’on leur indique ce que l’on souhaite. La maîtrise technique est donc entièrement déléguée à la machine. Si l’on parle de technique pure, nous pouvons remonter jusqu’ aux préoccupations artistiques, à l’époque de la Renaissance, où l’on se questionnait sur les compétences des artistes en comparaison à celles des artisans. La fameuse doctrine de Léonard de Vinci à propos de la peinture affirmant que celle-ci est de l’ordre de l’esprit, « cosa mentale », est ainsi reprise au travers de cette évolution de la création artistique ; la partie technique est déléguée mais l’idée de l’œuvre reste humaine.

Cependant, l’IA a aussi un rôle considérable à jouer sur le marché de l’art et pourrait remplacer d’autres acteurs essentiels : les experts.

Sur le marché de l’art, l’IA a battu records sur records. En 2018, « Portrait d’Edmond de Belamy » une œuvre réalisée par le collectif « Obvious Art » créée à partir de l’intelligence artificielle, a été vendu 432 500 dollars chez Christie’s, ce qui correspond à 45 fois son estimation de base. D’autres œuvres créées par l’IA remportent des prix prestigieux. On peut citer : « Théâtre d’Opéra Spatial » qui a remporté un concours d’art aux États Unis.

Récemment, une version du célèbre tableau « La jeune fille à la perle » de Vermeer réalisée par intelligence artificielle, est exposée au musée Mauritshuis de La Haye, institutionnalisant de fait, la création par l’IA. Ces expériences renforcent la position de l’IA dans le milieu de l’art et contribuent à sa légitimité et donc in fine à sa valeur marchande.

Au-delà de la création d’œuvres d’art et de sa place dans le marché de l’art, l’IA a une autre carte à jouer : l’expertise. L’authentification d’une œuvre d’art permet de prouver qu’elle a bien été réalisée par un artiste. Cette authentification ne peut être faite aujourd’hui que par les ayants droits de l’artiste, ou par des comités ou experts reconnus sur le marché. Cependant, de plus en plus de sociétés proposent d’expertiser les œuvres d’art grâce à l’intelligence artificielle. Celle-ci permet en effet de comparer un nombre considérable de données, d’analyser le trait, les couches de peinture et de manière plus générale le style de l’œuvre en question.

La technologie n’est pas encore totalement aboutie pour le moment, les banques d’images sont incomplètes et surtout, le coût de l’analyse reste très onéreux. De plus, cette technologie n’est pas encore reconnue et acceptée comme telle par le marché et les institutions, mais on peut se poser la question de ce qui adviendra à terme ? Pourra-t-elle ainsi remplacer les experts, spécialistes et conservateurs ? Forcément plus performante que l’être humain pour la maîtrise de l’information et la masse de données à traiter, elle semble donc indubitablement supérieure.

Aujourd’hui, les experts estiment que 50 % des tableaux circulant sur le marché sont des faux. Qu’en sera-t-il quand toutes ces œuvres seront passés au crible par l’IA ? Il est vrai que la méthode d’expertise actuelle est encore assez floue, subjective et amène à se poser certaines interrogations : Quels sont les moyens employés ? En quoi consiste la méthode d’analyse ? Quelle légitimité des ayants droits à part d’être « fils ou fille de » ? Qu'en est-il de la composition des comités et de leur équité ? Il n’existe aucune discipline précise reconnue, aucune formation pour juger de la peinture, de la touche, de la pâte et de la technique. L’expertise par L’IA couperait court à toute discussion sur l’authentification des œuvres. Et cela risque de ne pas plaire à tout le monde …