Procrastiner revêt une connotation négative pour la plupart d’entre nous, pourtant, j’ai bien l’intention dans cet article de redorer le blason de ce terme, en tous cas de remettre en question cette image négative… mais pas seulement, rassurez-vous !

Regardons de plus près l’étymologie de ce mot : du latin "pro", qui signifie "en avant", "crastinus", de "demain" et dont la définition nous donne "remettre à demain une décision ou une mise en œuvre de décision."

Ainsi l’individu qui procrastine remet à demain, et puis au lendemain, et remet au … surlendemain, pour ensuite passer à la semaine suivante… conséquence, la décision n’est pas prise, et l’action non réalisée. Certains individus sont experts en procrastination… analysons tout d’abord les raisons qui poussent à procrastiner :

Première raison majeure : la peur. La plupart du temps, nous préférons procrastiner à affronter la situation parce que celle-ci nous met dans une position difficile, compliquée ou délicate. Par exemple, on a quelque chose à dire à une personne, et cela n’est pas facile, parce que ce que l’on a à dire n’est pas agréable. Ou encore, on doit faire une prise de parole en public, et on ne s’entraîne pas, parce que l’on sait qu’on n’est pas aussi bon que ce que l’on voudrait, ou bien on est timide, ou encore on n’est pas à l’aise ; bref, la peur de nous confronter à nos propres défaillances ou nos incompétences nous empêche d’agir, ou alors on se donne de fausses excuses pour ne pas le faire… « je dois faire cela avant, je n’ai pas le temps, ce n’est pas la peine, j’ai encore le temps »… et pendant ce temps, que se passe t-il ? Le stresse monte, on regarde l’objet de la procrastination comme un ennemi que l’on étouffe et qui devient de plus en plus prégnant, l’angoisse monte… que se passe t-il ensuite, on angoisse, également on culpabilise, mais on met tous ces sentiments dans la poche avec un mouchoir par-dessus, et on fait comme si de rien n’était, et on continue d’avancer.

Comment pallier cette attitude ? En regardant les choses en face, et en ayant le courage de les confronter, et en mettant en place de la discipline et de la rigueur, tout en étant réaliste quant à ses objectifs. Il ne s’agit pas du tout de passer de l’état néant - en l’occurrence ici l’état moins 10 - à l’état super top du sommet du Mont-Ventoux, pour les cyclistes qui connaissent, ou pour les néophytes de passer à l’état de débutant à l’état de niveau avancé sans étape intermédiaire. Il s’agit de fixer des objectifs réalistes et réalisables, comme le fameux « Smart » nous le rappelle, Smart étant l’acronyme pour « Specific, Measurable, Achievable, Relevant, and Time-Bound, quand il s’agit de définir un objectif. Car à ce niveau, le fait de procrastiner a pour conséquences des sentiments bel et bien négatifs qui, avec le temps peuvent eux-mêmes générer un état d’angoisse, ou d’anxiété, ou encore de stress de plus en plus élevé.

Deuxième raison qui pousse à la procrastination : l’inconfort. L’objet de la procrastination est une action inconfortable, comme par exemple l’utilisation d’un logiciel qu’on ne maîtrise pas bien et pour lequel on doit passer un peu de temps, ou encore ranger des papiers ou faire des comptes, on n’a pas envie de le faire parce que c’est un peu pénible, peu intéressant, ou chronophage, on cela nous met face à certaines réalités qu’on n’a pas envie de voir.

Alors au lieu de le faire, on voit les tas de papiers, de tickets se cumuler sur le bureau, ou encore on regarde le fichier à ouvrir dans l’ordinateur, et on le classe, encore une fois comme si de rien n’était avec tous les sentiments négatifs associés qui commencent à sortir comme l’acné chez un adolescent… c’est rouge, c’est laid, ça gêne, et on a beau mettre de la crème dessus, c’est toujours là ! En réalité, il vaut mieux prendre le problème une bonne fois pour toute par les cornes plutôt que de passer tout son temps à le regarder, le contourner, l’éviter, l’ignorer… tout le temps et l’énergie qu’on aura passé à cet évitement délétère auraient pu être passés à classer ledit dossier, et passer à autre chose en ayant une attitude d’affrontement plutôt que d’évitement, une attitude constructive plutôt que somme toute, une attitude lâche.

Troisième raison à la procrastination : la flemme. Taratata, fausse raison qui cache sans doute l’une des deux premières…. Arrêtons là l’hypocrisie. Donc soyons courageux face à nos peurs, nos défaillances, ou nos imperfections, n’est-ce pas ! Mais vous allez me dire, « Françoise, vous avez annoncé en introduction que vous remettriez en question la procrastination, en annonçant que vous en dépeindriez des aspects positifs », pour l’instant vous ne faites que l’éloge de la discipline et de l’action immédiate ! Vous avez raison, car il s’agit d’être honnête intellectuellement.

La procrastination revêt des effets négatifs, et il est bon d’en connaître les raisons. Je réponds ensuite à vos attentes, et je parle donc des bénéfices de la procrastination. Car oui, il existe bien des bénéfices à la procrastination. Reprenons notre premier exemple où l’on doit dire ou écrire quelque chose de désagréable à quelqu’un… le fait de passer du temps permet de réfléchir, de peser ses mots, de demander conseil éventuellement, de ne pas agir sous l’effet de la colère… laisser du temps pour ne pas agir dans l’impulsivité qui pourrait nous desservir. Il s’agit donc dans ce cas d’utiliser le temps comme un allié, tout en en étant réellement conscient.

Je procrastine car je préfère ne rien dire. Je procrastine car je n’ai pas les bons mots. Je procrastine car je préfère laisser passer du temps. Dans ce cas de figure, on se situe dans une véritable volonté. On ne subit pas la procrastination. Il s’agit donc de procrastination positive. Ensuite, le deuxième cas sera celui de choisir de ne pas agir, car nous n’avons pas tous les éléments de réponse à notre problème. Alors on préfère attendre un peu, car on considère que la situation peut macérer un peu comme un bon vin, un bon whisky, ou encore un plat réchauffé meilleur à la seconde fournée ! Cette situation renvoie à plusieurs phénomènes : la créativité d’une part, et l’effet papillon, de l’autre.

Attendre pour que les idées viennent ou s’affinent, comme de l’état de latence à un état de surgissement s’avère bénéfique, car dans ce cas les idées deviennent plus fortes, plus convaincantes, plus précises, plus aiguisées, plus innovantes, plus… plus. Dans ce cas encore, le temps est un ami, à condition de faire de son objet de procrastination un objet de pensée positive qui n’est pas subi. Point de créativité sans mental positif. La créativité ne peut poindre si le mental est dans le noir des idées noires, ou dans le stress. Il s’agit donc d’utiliser le temps pour faire grandir les idées.

Parlons maintenant de l’effet papillon. Évidemment que cet effet est incroyable ! la suite de circonstances fortuites, qui les unes prises après les autres, auront un grand impact sur votre décision, sans que vous ne soyez vraiment acteur de la situation ; prenons de nouveau un exemple, vous devez acheter un ordinateur, mais vous attendez car vous ne savez pas quel ordinateur choisir, pourtant vous en avez besoin… et vous êtes invité à une soirée où vous rencontrez un expert qui non seulement vous conseille, mais aussi vous présente à une autre personne qui vend son ordinateur justement… ou encore vous travaillez sur un dossier, ou un mémoire, et vous bloquez sur un sujet, et puis un ami vous envoie justement un email qui concourt à la connaissance de ce qui vous manquait, car ce même ami est allé à une conférence… etc, etc.

Bref, il est bon de ne pas se précipiter non plus dans le simple objectif de la performance et de la réalisation de cet objectif. Il est bon de regarder l’objet avec sincérité, et avec cœur, face au miroir de l’éthique et de la vérité. Dois-je réaliser cette tâche ? au nom de quoi ? Puis-je lâcher du lest ? Que puis-je me permettre ? dois-je écrire à cette personne ? Devrais-je plutôt attendre ? Est-ce urgent pour moi seulement ? que puis-je tirer comme bénéfice à procrastiner ? Autant de questions qui mettront à la lumière, peurs, inconfort, urgence… le temps est parfois un allié, à nous de savoir trouver l’équilibre entre une procrastination subie et une procrastination à dessein. A nos miroirs !