La galerie Perrotin présente la nouvelle exposition personnelle de Laurent Grasso, « OttO ». Articulée à partir d’un corpus d’œuvres inédites et du film éponyme, l’exposition fait entrer en résonance des lieux sacrés, des croyances animistes et des théories scientifiques. Chacune concerne des phénomènes invisibles et pourtant actifs ayant en commun les effets réels ou supposés d’ondes, de vibrations et de fréquences électromagnétiques.

Prolongeant son questionnement sur les formes du pouvoir politique et scientifique, Laurent Grasso propose une nouvelle recherche autour du pouvoir des ondes, une matière aussi invisible qu’ayant des effets tangibles. L’espace de la galerie est baigné de fréquences émises par des sculptures hybrides et actives, dont le fonctionnement électromagnétique a une action potentielle sur le corps et l’esprit du visiteur.

Une machine de Steiner, des sculptures spirales aux formes hypnotiques, des sphères de verre aux peintures conductrices gravitent autour du nouveau film OttO, montré pour la première fois en France. L’artiste y poursuit un travail de représentation de l’immatériel et des recherches autour de déclinaisons esthétiques, fictionnelles et poétiques produites à partir d’utopies, de théories ou de mythologies scientifiques.

L’historien de l’art Darren Jorgensen rapproche ainsi le travail de Laurent Grasso des recherches de Roger Caillois sur les sciences diagonales : « Avec ses œuvres faites de gaz, de lumière, de métal et de pierre, Laurent Grasso (…) crée un système spéculatif qui rapproche des domaines infinis du savoir. Ainsi, il réalise ce que le surréaliste Roger Caillois appelle “les sciences diagonales” au sein desquelles “il existe des cycles et des symétries, des homologies et des récurrences perceptibles. Tout rentre dans une ou plusieurs séries. Il n’y a rien qui n’ait ses propres équivalents ou doubles, tel un message codé qui rappelle à notre esprit une prémonition ou une nostalgie ” ».

Qu’il s’agisse du mouvement lent et quasi hypnotique des sphères parcourant les terres aborigènes du film OttO ou de l’action enveloppante des fréquences émises par les sculptures, les œuvres exposées forment un tout, dans leur capacité d’action physique et mentale sur les visiteurs. Dans la continuité des thématiques explorées par Laurent Grasso, l’exposition « OttO » se situe dans une zone d’incertitude, où la science se mesure au sacré et où la dimension spirituelle de son environnement trouve une forme d’objectivation.

« J’ai voulu créer un film qui rende visible le rayonnement de ces lieux sacrés. Les sphères qui traversent ces territoires rendent palpable les narrations secrètes de la culture aborigène autour de ces lieux » Laurent Grasso, entretien avec Philippe Peltier, conservateur général du patrimoine, en charge de l’unité patrimoniale Océanie-Insulinde au Musée du Quai-Branly-Jacques Chirac.

Réalisé à l’invitation de la 21e Biennale de Sydney (2018) et de sa commissaire Mami Kataoka, Chief Curator du Mori Art Museum de Tokyo, le film a été tourné en novembre 2017 dans le désert australien du Territoire du Nord par une caméra restituant le rayonnement électromagnétique de ces terres sacrées. Réalisé dans des conditions d’accès complexes, en concertation avec la Warlurkbrunlangu Artists Aboriginal Corporation et en étroite collaboration avec la communauté aborigène de Yuendumu et de ses « traditional owners », le film a été tourné dans quatre sites habituellement inaccessibles au public, mobilisant pour cette anthropologie futuriste des drones ainsi que des caméras thermiques et hyperspectrales.

Le point de vue du film se focalise sur certaines dimensions du territoire imaginé comme une « présence agissante » par ceux qui l’habitent. Renversement qui coïncide avec la révolution qu’Eduardo Kohn a récemment entrepris, en situant son approche, non plus sur les humains mais depuis des forêts qui pensent.

Reflet de cette superposition entre récits cachés et expérimentations scientifiques, le titre OttO postule une double référence. Il renvoie au prénom du « traditional owner » OttO Jungarrayi Sims dont la silhouette apparaît dans le film et qui a permis l’accès aux sites selon les protocoles aborigènes. Il évoque également Winfried Otto Schumann (1888-1974), physicien allemand ayant prédit dans les années 1950 l’existence de fréquences de résonnance du champ électromagnétique terrestre. Lesdites « résonances de Schumann », mesurées seulement dix ans plus tard, représentent pour l’artiste la possibilité d’une transcription scientifique d’une forme de sacré. Avec ces sphères flottantes parcourant les lignes des paysages à la géologie immémoriale, Laurent Grasso matérialise une rencontre fictionnelle entre une technologie de tournage de pointe et une cartographie narrative invisible pour les non-initiés, elle offre un voyage dans le temps marqué de présences immatérielles, de mythes et d’énergies émanant du sol aborigène.

Un livret est publié à l’occasion de l’exposition, rassemblant une introduction de Mami Kataoka, Chief Curator du Mori Art Museum et un texte de Darren Jorgensen, historien de l’art, Senior Lecturer à l’University of Western Australia.

  • Le film OttO a été réalisé à l’invitation de la Biennale de Sydney et de Mami Kataoka ; avec le généreux soutien de l’Ambassade de France en Australie, l’Institut français, et Mikros/Technicolor. Courtesy the artist, Edouard Malingue Gallery, Sean Kelly Gallery and Perrotin.

Laurent Grasso vit et travaille entre Paris (France) et New York (USA). Diplômé de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, Laurent Grasso a été lauréat du prix Marcel-Duchamp (2008) et pensionnaire de la Villa Médicis à Rome (2004-2005).

Laurent Grasso a présenté son travail à l’occasion de nombreuses expositions individuelles conçues dans des dispositifs immersifs ou labyrinthiques : Palais Fesch, musée des Beaux-Arts, Ajaccio (« PARAMUSEUM », 2016) ; Fondation Hermès, Tokyo (« Soleil Noir », 2015) ; Kunsthaus Baselland, Muttenz, Suisse (« Disasters and Miracles », 2013) ; musée d’Art contemporain de Montréal (« Uraniborg », 2013) ; Jeu de Paume, Paris (« Uraniborg », 2012) ; Hirschhorn Museum and Sculpture Garden, Washington, D.C. (« The Black Box », 2011) ; Bass Museum of Art, Miami (« Portrait of a Young Man », 2011) ; Palais de Tokyo, Paris (« Gakona », 2009) ; Kunstverein, Arnsberg, Allemagne (« Reflections Belong the Past », 2009) ; Centre Pompidou, espace 315, Paris (« The Horn Perspective », 2009) ; musée départemental d’art contemporain de Rochechouart (« Neurocinema », 2008) ; IAC, Institut d’art contemporain de Villeurbanne (« Magnetic Palace », 2007) ; MIT, List, Visual Art Center, Cambridge, USA (« L’Éclipse », 2006)…

Laurent Grasso a également participé à de nombreuses expositions collectives et plusieurs biennales internationales d’art contemporain comme la Biennale de Sydney (Australie, 2018), la Biennale de Gwangju (Corée du Sud, 2012), Manifesta 8 (Cathagène, Murcie, Espagne, 2010), la Biennale de Sharjah aux Émirats arabes unis (2009), la Biennale de Moscou (2009), la Biennale de Lyon (2007), la Biennale de Busan, Corée du Sud (2006 et 2004).

Parallèlement, Laurent Grasso a été invité à réaliser des installations dans l’espace public : Solar Wind (2016), œuvre pérenne placée sur les parois des silos Calcia, à la périphérie du 13e arrondissement de Paris ; Du soleil dans la nuit (2012), néon de 25 mètres présenté lors de la 11e édition de Nuit Blanche, à Paris, et installé sur le toit de La Samaritaine ; Memories of the Future (2010), installation néon permanente sur la façade du Leeum Samsung Museum à Séoul en Corée du sud ; Nomiya (2009-2011), micro-architecture placée pendant deux années sur le toit du Palais de Tokyo à Paris ; ou encore le néon Infinite Light (2008), installation sur la passerelle piétonne du Hunter College à New York, Lexington Avenue.

Son travail a fait l’objet de plusieurs importantes monographies : Paramuseum (Silvana Editoriale/Palais Fesch, 2016), Soleil Double (Dilecta/Perrotin, 2015), Uraniborg (Flammarion/Jeu de Paume, 2012), The Black-Body Radiation (les presses du réel, 2009).